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La voix d'un soldat redécouverte
Article publié en anglais dans le New York Times le 17 septembre 2009 par Paul Vitello.
Comme beaucoup de vétérans, Max Fuchs ne parlait pas beaucoup de ce qu'il avait fait pendant la guerre. Ses enfants savaient qu'il avait débarqué à Omaha Beach. Parfois, ils étaient autorisés à tâter l'éclat d'obus encore logé dans sa poitrine. Et une fois, leur avait-il raconté, il avait chanté comme chanteur religieux au cours d'une cérémonie juive sur le champ de bataille.
Le 29 octobre 1944, à la lisière d'un combat farouche pour prendre le contrôle de la ville d'Aix-la-Chapelle en Allemagne, un correspondant pour la radio NBC introduisit la modeste cérémonie du Sabbat ainsi : « Nous vous présentons à présent une émission d'une importance historique : la première cérémonie religieuse juive depuis l'avènement d'Hitler. »
M.Fuchs, qui a aujourd'hui 87 ans et vit dans l'Upper West Side, avait 22 ans ce jour-là, à Aachen.
« J'avais simplement aussi peur que n'importe qui d'autre, » raconte-t- il dans une entrevue dans son appartement de Manhattan. « Mais comme j'étais le seul qui pouvais le faire, j'ai essayé de faire de mon mieux. »
Connue en son temps, la cérémonie du champ de bataille s'est perdue dans l'ombre, où elle serait sans doute restée si par chance une archiviste ne l'avait retrouvée et, peu après, une improbable notorité pour M.Fuchs sur Youtube (où la vidéo de la cérémonie a été vue 310 000 fois) ne l'avait révélé .
Ses petits-enfants ont ressenti une immense fierté, rapporte sa famille, et le rabbin de la Congrégation Ramath Orah à la 110ème West Street, où M.Fuchs et sa femme pratiquent, insiste pour qu'il chante à la cérémonie du samedi, à Rosh Hashana, le Nouvel An juif, bien que M.Fush affirme que sa voix n'est plus ce qu'elle était.
Son interprétation durant cette émission de 1944, écoutée à travers les Etats-Unis, et plus tard en Allemagne, cependant, a donné un tour particulièrement poignant à la cérémonie de dix minutes en plein air – en raison de sa voix exercée et imposante, mais aussi parce qu'avant d'entonner le traditionnel hymne « Yigdal » et pendant les trois minutes qu'il lui prit pour l'achever, on entend distinctement en bruit de fond la déflagration des obus d'artillerie explosant non loin de là.
Soldat de première classe de la 1ère division d'infanterie, M.Fuchs s'était proposé pour chanter ce jour-là, car aucun chanteur religieux n'était disponible. En fait, M.Fuchs étudiait pour devenir chanteur religieux lorsque la guerre éclata. Mais il avait abandonné ses études, fut incorporé et n'envisagea jamais de devenir aumônier.
Ses parents émigrèrent de Pologne en 1934, lorsqu'il avait 12 ans. Certains de ses oncles, tantes, cousins qui restèrent furent tués après l'invasion allemande de 1939, a-t-il raconté au cours de l'entrevue. Il voulait se battre contre les Nazis.
En effet, 20 ans après, a avoué M.Fuchs, il souffrait de cauchemars récurrents de la guerre. Il essaya de ne pas trop y penser.
Il épousa Naomi Groob, ils eurent cinq enfants, il travailla dans le district du diamant et officia comme chanteur religieux au Centre Juif de Bayside dans le Queens.
Lorsque ses enfants grandirent, une photo était accrochée sur le mur de leur salon à Bayside, le montrant dans son uniforme de l'armée américaine, chantant, tandis qu'un journaliste de la radio lui tendait un microphone.
De l'image, « Il disait : 'oui, c'était quand j'ai fait mon service militaire. Ils l'ont enregistrée. C'était à la radio '. » se rappelle sa fille, Ester R.Fuchs, aujourd'hui professeur en affaires publiques et en sciences politiques à l'université de Colombia.
Mais c'était tout ce qu'il racontait. Et par respect pour sa réticence, sa femme n'en dît jamais davantage.
C'était un demi-siècle avant que les enfants de M.Fuchs, nés après la guerre, n'en sachent plus que la version des évènements de leur père, incomplète et presque chargée de mystère.
En l'an 2000, le Professeur Fuchs lut une entrevue dans un journal à portant sur la marquante « cérémonie d'Aix-la-Chapelle », avec un ancien journaliste de la radio NBC, James Cassidy. Elle commença à faire le rapprochement. « Est-ce cela dont tu parlais ? » demanda-t-elle à son père. « Oui, comme je te l'ai dit, c'était à la radio » lui assura son père.
Si les histoires qu'il racontait étaient vagues, ses sentiments dissimulés, c'était parce que c'était trop dur, a-t-il assuré, assis à une table avec sa femme et sa fille. « Sur la plage, des corps à chaque mètre. Des gars que je connaissais, leurs pieds arrachés. Leurs bras. Ce n' était pas beau à voir. »
En tant que juif et ayant des liens intimes d'enfance avec des cousins et d'autres parents en Pologne qui furent gazés et assassinés, « j'étais aussi rempli de colère. »
Il se souvient d'avoir chanté et d'avoir passé en revue du regard les soldats assemblés dans ce champ ouvert ; et de s'être dit qu'il n'y en avait pas un seul d'entre eux dans cette cérémonie dont la famille n'avait été décimée par les Nazis.
Cependant, même après, tandis que tous comprenaient et ressentaient profondément l'importance de la cérémonie à laquelle ils assistaient, « Nous n'en parlions pas beaucoup. Nous étions en guerre. »
Le Comité Juif Américain avait rendu possible l'évènement, en envoyant Sidney Lefkowitz, un aumônier pour les centaines de soldats juifs de la 1ère division d'infanterie, et en se débrouillant pour faire retransmettre cette cérémonie ce jour-là. Mais malgré cela, le souvenir officiel de la cérémonie d'Aix-la-Chapelle se perdit.
Charlotte Bonnelli, la responsable du personnel des archivistes, ne savait rien de cela. Elle menait des recherches sur l'histoire de l'organisation de la radio de la division lorsqu'elle découvrit une mention de la cérémonie en 2004, et entreprit de la retrouver.
Ni le Comité, ni NBC ne possédaient l'enregistrement. Finalement, elle le trouva à la bibliothèque du Congrès et commanda un documentaire sur l'évènement, qui fut présenté à la réunion annuelle du groupe en 2005. Après coup, elle le posta sur YouTube.
David Harris, le directeur exécutif du Comité Juif Américain, a rapporté que son webmaster a commencé à remarquer « du trafic » débutant au début de l'année 2006. « Il y a eu 1 000 clics, puis 3 000, puis il a eu une accalmie pendant un court moment et tout à coup, ça a été des centaines de milliers. »
Le nom de Max Fuchs, cependant, n'a pas été mentionné sur l'enregistrement d'origine de YouTube. Il ne demanda jamais aux photographes présents sur place de recueillir son nom. Ce n'est que récemment, lorsqu'une autre fille de M.Fuchs, Hana Fuchs, vit la cérémonie sur Internet et entra en contact avec le Comité Juif Américain, qu'il fut crédité sur la Toile de la voix impressionnante qui porte ces hymnes.
Dans l'entrevue l'autre jour, on demanda à M.Fuchs comment il choisit les deux hymnes qu'il chanta au cours de la cérémonie, “Ein Keloheinu” et “Yigdal,” dont chacun d'eux affirme la Divine Providence et l'attente de la rédemption dans l'éternité. « C'étaient des hymnes connus », a-t-il dit, « et tout le monde connaissait les paroles. Mais il y avait un autre critère, a-t-il ajouté : il y avait une guerre qui continuait. « Ils ne prenaient pas trop de temps. » a-t-il expliqué.
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Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 23/09/2009.
Un jour de l'occupation, à Caen, Pierre se trouve sur un trottoir étroit. Face à lui vient un officier Allemand. Notre Pierre refuse de céder le passage et ils se trouvent bientôt face-à-face. Lequel des deux va faire un geste ? C'est l’officier qui administre à Pierre une gifle cinglante ; celui-ci doit bien descendre du trottoir pour laisser le passage. «Quand on a 15 ans... on en fait des bêtises».
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Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 24/09/2009.
C’est l’occupation. A Caen, devant la Kommandantur, rue des Jacobins, c’est un ballet incessant de voitures noires conduites par des personnages en gabardine, qui traînent des hommes ou des femmes hébétés. Les passants, l'air indifférent, continuent de vaquer à leurs occupations ; on s’habitue à tout. Même les enfants courent en riant et jouent devant cet endroit sinistre...
Georges a quinze ans. En passant un jour devant le bâtiment, il aperçoit un homme descendant d'une Mercedes décapotable et rentrer dans le siège de la Kommandantur. En passant près de la voiture, Georges remarque sur le siège arrière un superbe drapeau à la croix gammée à l'air neuf, plié sur la banquette arrière. Un coup d’oeil à droite, un coup d'oeil à gauche... personne ne semble faire attention à lui. Vite, il allonge le bras et une seconde plus tard, le drapeau se retrouve sous son blouson. De retour à la maison, il le découpe et en fait des dizaines de foulards. Les jours qui suivirent, on vit beaucoup de jeunes garçons se promener dans les rues un foulard rouge au cou... Les Allemands ne s’en inquiétèrent jamais.
Avec le temps, la sagesse est venue. La répression disproportionnée dont il aurait pu être victime font aujourd'hui dire à Pierre : « Ce qu’on pouvait être cons a cette époque là ! » Puis, il ajoute en riant : « Le troufion qui était responsable de ce drapeau a dû en prendre pour son grade ! »
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Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 24/09/2009.
Soldat de l'Afrika Korps du Maréchal Rommel, Günter est blessé par un éclat d'obus au bras, en Afrique du Nord, à la fin de l'année 1942. La blessure est sérieuse mais pas très grave : elle lui vaut un billet d'avion pour le Faterland et quelques semaines de repos, de rééducation et enfin de visite à sa famille. Il se sent assez bien et s'accommode de son état de « permissionnaire forcé » et pense même, au vu de la tournure que prennent les évènements, qu'il ne retournera plus au combat.
C'était mal connaître le grand Reich, qui le renvoie en Tunisie. Sa décoration ne lui vaudra sans doute que de payer la tournée à ses camarades restés sur place ! Mais Günter ne reste pas longtemps dans les sables du désert tunisien: son unité entière, après une lutte acharnée, est contrainte de se rendre avec armes et bagages à l'armée américaine au Cap Bon, en Mai 1943. Il est vivant ! Et il estime avoir fait plus que son devoir.
Il est envoyé dans un camp de prisonnier au Texas. La vie d'un prisonnier n'est pas drôle, mais à bien y réfléchir, il lui semble que la vie d'un sturmtruper de l'Afrika Korps était encore moins drôle . Entouré de camarades avec qui il partage la langue et la nourriture, cela a presque des allures de vie de caserne. De toutes façons Günter a une certitude : cela ne durera pas éternellement.
Mais alors, il ne croit pas la fin de la guerre si proche : après quelques mois on lui annonçe, ainsi qu'à plusieurs de ses camarades, qu'il va reprendre le chemin de l'Europe.
Il est donc envoyé en Normandie : le voilà bientôt à Caen, dans un camp britannique de petite taille occupé par une centaine de soldats allemands, qui se trouverait aujourd'hui à l'angle de l'avenue Père Charles de Foucauld et de l'Avenue d'Harcourt. Leur mission est simple: enlever les mines que leurs compatriotes, quelques mois plus tôt, ont pris soins de disposer dans les champs, les routes et les plages. Chaque jour des camarades manquent à l'appel ; les gardiens anglais sont très durs avec eux, le règlement du camp, appliqué strictement.
Sa décision est vite prise: il faut qu'il s'évade. Avec la complicité de ses camarades, il profite d'un déplacement en groupe pour prendre le large. Il marche trois jours avant d'être arrêté, alors qu'il vient de voler une poule. Il est renvoyé dans son camp de prisonnier où il endure deux semaines de cachot, puis reprend la recherche de mines. Le spectacle de ses camarades tués par les explosions n'arrête pas de tourner dans sa tête. Günter se dit qu'il ne peut pas rester dans cet enfer.
Une nouvelle fois il s'évade. Fort de sa première expérience, Günter se montre plus prudent, mais il est identifié deux semaines plus tard et ramené à Caen. « Même punition même motif !» ; c'est presque devenu une routine : déjà il songe à son prochain départ. Mais il ne tente rien pendant deux mois, pour endormir la méfiance de ses gardiens et s'évade une fois encore.
Mais son évasion est enfin couronnée de succès et il parvient à regagner l'Allemangne. Mais c'est une autre Allemagne qu'il découvre : il ne reconnaît plus rien. À force de courage pourtant, il arrive dans sa ferme natale, dans la zone contrôlée par les Soviétiques, pour y découvrir que son père est mort et sa mère, malade. Le reste de sa famille ne le voit que comme une charge de plus.
Pour un salaire dérisoire, il se fait donc embaucher dans la ville voisine pour libérer les voies d'accès des gravas et préparer le travail de la reconstruction. Tous les soirs, il rentre chez lui rompu de fatigue. Il reste pour sa mère ; mais six mois plus tard, elle décède d'un cancer.
Le regard hostile du reste de la famille devient vite insupportable. Aussi, un matin de bonne heure Günter part à pied vers l'Ouest, où il espère trouver plus d'opportunités. Il repasse la frontière et retourne en Normandie : son camp était toujours là mais les gardiens anglais ont été remplacés par des tirailleurs marocains. Il se constitue prisonnier, préférant la captivité à un vagabondage où il risquait de mourir de faim. Malgré la suprise de l'officier responsable du camp, il passe une semaine au cachot, mais il est affecté non plus aux plages, mais aux travaux agricoles dans une ferme à côté du camp. Il prend plaisir à travailler la terre à nouveau et bientôt, son patron n'hésite plus à compter sur son enthousiasme, ses initiatives et son savoir faire.
Peu à peu il se rend indispensable et ne rentre plus que tard le soir au camp. Il peut enfin manger à sa faim et rapporte même ce qu'il peut pour ses camarades prisonniers. Pour une fois depuis des années, son esprit est au repos.
Ou plutôt, son esprit est préoccupé par des pensées d'un tout autre ordre qu'il se met à nourrir, pour la charmante fille du cultivateur.Après quelques mois, il se déclare et c'est tout naturellement que le cultivateur et son épouse acceptent. Étrangement, Günter n'a pas de mal à s'intégrer tout à fait au monde paysan de la région. Rapidement, les voisins le jugent davantage sur son travail et son comportement que sur sa nationalité.
Le temps passant, ses beaux parents décédent et l'ancien soldat de l'Afrika korps se retrouve à la tête de l'exploitation. Cinq enfant naissent de son union, des enfants parfaitement bilingues.
Plus tard encore, Günter fait de nombreuses apparitions dans les média d'outre-Rhin. Son histoire exemplaire fait sensation.
L'histoire que je vous raconte m'a été confiée par Günter lui-même, avec un fort accent allemand et une dextérité remarquable du coude pour porter le verre de pastis à ses lèvres...
Aujourd'hui, il est décédé et l'histoire lui sourit : son village, dans la banlieue sud de Caen s'appelle Fleury-sur-Orne ; rien en cela que de très banal. Ce qui l'est moins, est que le village portait ce nom depuis 1916 seulement : son premier nom était ALLEMAGNE.
Son conseil municipal en pleine offensive de Verdun pendant la première guerre mondiale, avait décidé de renommer le village Fleury-sous-Douaumont, en souvenir du village lorrain rasé pendant la bataille de Verdun. Toutefois l'Orne, qui traversait la localité, lui apporta un touche normande.
Günter, vieux soldat, toi qui es né dans une ferme au fin fond de l'Allemagne, jamais tu n'aurais pu imaginer qu'un vent de tempête t'aurait balayé d'un continent à un autre pour finir ta vie entouré de l'affection des tiens et du respect de tes nombreux amis dans ce village... d'ALLEMAGNE.
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Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 25/09/2009.
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